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Brustranda – Ramberg : 51km (3414km)

Ciel lumineux, soleil radieux, une météo idéale pour apprécier les splendeurs de l’archipel. Les jambes sont fatiguées, et l’étape sera courte aujourd’hui, mais toujours empreinte de l’irrésistible et enivrante magie habitant ces lieux. Au programme, le passage sur l’île voisine de Flakstadøya et l’arrivée sur la plage lagunaire de Ramberg.

Je poursuis mon  aventure sur la route 815 au sud de l’île de Vestvågøya, longeant les paysages si caractéristiques des Lofoten. Reliefs escarpés ou émoussés, minuscules plages de sable blanc sur lesquelles se promènent moutons et oiseaux, vastes étendues maritimes d’où jaillissent d’improbables montagnes, bords de mer léchés par de cristallines eaux turquoise, de vertes prairies au cœur desquelles fleurissent parfois un chalet rouge ou une chapelle blanche.  Et comble du bonheur, pas une voiture venant assombrir ces décors idylliques.

Je rejoins en début d’après-midi la route touristique traversant l’archipel. Malgré le temps ensoleillé et en ce début de mois d’août, je suis agréablement surpris de ne pas croiser grand monde. Il semble que j’ai eu beaucoup de chance depuis que je parcours les Vesterålen et les Lofoten, puisque généralement, le flot de véhicules est bien plus conséquent que ce que je peux voir depuis une semaine.

Un tunnel de 1.7km de long enjambe le détroit de Nappstraumen, et permet de rejoindre l’île de Flakstadøya. S’enfonçant jusqu’à une soixantaine de mètres sous la mer avec une pente descendante puis ascendante à 8%, ce passage est une véritable plaie pour les cyclistes. Ambiance humide et froide, revêtement glissant et inégal, chaussée peu éclairée, écho résonnant bruyamment dans les oreilles, les conditions sont loin d’être optimales et ne garantissent pas vraiment d’arriver au bout sans encombres. La descente est effrayante, presque à l’aveugle. Je croise deux compères bien peu rassurés et poussant leur vélo sur le minuscule trottoir défoncé bordant la route. Impossible de discuter, ou de s’encourager autrement que par un sourire et un salut de la main, tant le bruit est infernal. Il ne tarde qu’une chose : sortir de ce piège. Les tunnels norvégiens rejoignent sans mal les vents balayant la toundra au hit-parade des ennemis du cyclotouriste.

Mais une fois dehors, la boule au ventre cède vite sa place à l’émerveillement. Comme sa consœur, Flakstadøya est d’une beauté irréelle. C’est rassurant, bien que difficile à croire, de voir que de tels paradis existent encore, à l’abri de toute nocivité humaine. Sur le bord de la route, quelques kilomètres plus loin, un sentier conduit à un promontoire dominant de superbes lacs encaissés dans une vallée enveloppée par de hautes montagnes dont les versants sont constellés de forêts, de bosquets et parfois même de névés. Suivant les contours de ces étangs, les courbes sinueuses de la route se dessinent d’un trait soigné, ne dénotant pas le moins du monde avec les paysages. C’est aussi ça la force de cet archipel, tout se confond dans une parfaite harmonie, un concentré d’idéal explosant aux yeux de ceux qui s’en abreuvent.

Suivant la côte découpée du nord de l’île alors que le temps se couvre, je passe d’une anse à une autre, d’une baie à la suivante, voyant les paysages montagneux et balnéaires se succéder au fil des virages, prenant le temps d’observer quand l’occasion s’y prête de jolis huitriers-pies séchant leurs plumes, perchés sur un écueil à fleur d’eau. Peu avant d’atteindre le camping de Ramberg, je découvre une charmante petite église de bois rouge, la Flakstad kirke, construite en 1780 avec des rondins de bois venus tout droit de Russie, en échange de…morues. Dans le pré contigu, cinq superbes vaches highland, ces rouquines poilues venues tout droit des hauts plateaux écossais, pâturent tranquillement au milieu des goélands arctiques.

Le camping est à deux pas d’une plage paradisiaque, gagnant en beauté à mesure que le soleil rejoint l’horizon. Un croissant parfait, un sable blanc et fin, montagnes et maisons colorées en toile de fond. Malgré le froid qui s’est installé et le soleil qui a disparu derrière les falaises, c’est un réel plaisir de déambuler les pieds nus à la merci des vaguelettes ballotées par le vent, tandis que les eaux se teintent d’un bronze crépusculaire. J’observe le ballet, routinier pour eux, fascinant pour moi, des huitriers-pies et des goélands, parfois juvéniles, faisant leur marché du soir ou se baladant simplement en profitant du calme et de la quiétude envahissant ces lieux. Tout simplement magique.

Ørsvågvær – Brustranda : 66km

Il n’a pas plus cette nuit, mais le temps est couvert, et une brise très fraiche déride les eaux de la baie. L’étape devrait être tranquille aujourd’hui, avec entre autres, les visites de Kabelvåg et Henningsvær, deux villages dont les charmes sont vantés par ma brochure sur les Lofoten.

Kabelvåg est tout proche, je l’ai traversé rapidement hier après-midi peu avant d’arriver au camping. Ses attraits sont indéniablement tournés autour de sa place centrale située sur le petit port baigné par la mer de Norvège. Ce matin, les lieux sont calmes, presque morts, mais j’imagine sans mal l’agitation qui doit régner ici lorsque se tient le marché aux poissons. Mais pour l’heure, les bateaux sont à quai et seules quelques personnes déambulent sur les pavés de cette place entourée de maisons dont les classiques couleurs vives contrastent agréablement avec la grisaille ambiante.

Je pars ensuite vers Henningsvær, la « Venise des Lofoten », rien que ça !!! Pour rejoindre cette bourgade, je dois quitter la E10 et rouler sur un chemin à flanc de falaise, étroit et sinueux, sur environ huit kilomètres. Aussi tortueuse que magnifique, cette route est un vrai régal. A ma gauche, d’abruptes et écrasantes parois montagneuses aux sommets fendant de sombres volutes nuageuses. A ma droite, le ressac des eaux paisibles de la mer de Norvège sur une grève ininterrompue de rochers entremêlés de zones herbeuses et buissonneuses. Avec parfois, la délicieuse surprise d’un lac marin dont la surface se pare d’un vert émeraude lumineux. Rien que sur cette route, les Lofoten justifient leur réputation édénique. Au bout d’une vingtaine de minutes se dessine la silhouette du village. Pour l’atteindre, deux ponts au tablier étroit enjambant la mer. Le principe de la circulation alternée est ici parfaitement adapté…pour les voitures. A vélo par contre, c’est bien différent. Sitôt le feu passé au vert, je m’engage dans la partie ascendante du premier pont, mais à peine suis-je parvenu en haut que le feu passe au vert pour les véhicules arrivant en face. Heureusement, nous parvenons à nous croiser, mais c’est vraiment très limite. Rebelote avec le second pont. Dès mon arrivée à Henningsvær, je comprends vite le surnom qui lui a été attribué, ses 500 habitants sont en effet dispersés sur une multitude de petits îlots séparés par des bras de mer et des canaux. Aussi pittoresque que plaisant, ce port de pêche est tout bonnement superbe. La promenade sur les quais au milieu des rorbus d’un rouge éclatant se reflétant dans les eaux limpides du canal, est un enchantement. De nombreuses boutiques artisanales jonchent les ruelles, à l’image du souffleur de verre, du tisserand ou du photographe d’art dont les œuvres font le bonheur des touristes. Il fait bon se perdre dans les venelles, errer sans autre but que celui de profiter de la douceur de vivre et des effluves marines baignant ces lieux, découvrant au détour d’un virage l’église, l’école communale ou les traditionnels et incontournables séchoirs à poissons. A bien des égards, Henningsvær soutient la comparaison avec la Cité des Doges.

Reprenant la route, je reviens sur mes pas jusqu’à retrouver la E10 me permettant de quitter l’île d’Austvågøya et de rejoindre celle de Gimsøya. Pont ou tunnel ? Ce sera un pont, long de 840m et s’élevant à son point culminant à une trentaine de mètres au-dessus du Gimsøystraumen, détroit séparant les deux îles. La pente est toujours aussi raide, mais la présence d’une piste cyclable me rassure, et je peux traverser sereinement en ne me concentrant que sur l’effort du moment. L’île est petite, et il ne me faut pas longtemps pour passer chez sa voisine Vestvågøya par le biais d’un nouveau pont, plus court celui-là. Juste à la sortie de celui-ci, je quitte la E10 pour partir à la découverte de la si réputée route 815 longeant la rive sud. Je retrouve une appréciable tranquillité, tranchant avec le flot parfois soutenu de véhicules circulant sur « l’autoroute des Lofoten ». Comme ses voisines, cette île est sublime et fait la part belle aux montagnes surgissant de la mer et dégageant une incroyable puissance malgré leurs quelques centaines de mètres d’altitude. Baies abritées et plages rocailleuses abritent des colonies d’oiseaux criards, tandis que la route trace au milieu de vertes et paisibles prairies.

Le camping de Brustranda se situe dans un écrin de rêve. De hautes et majestueuses cimes aux versants herbeux et aux arêtes saillantes dominent un lac poissonneux aux eaux lisses prenant la teinte des paysages qu’elles reflètent. Le soleil perce entre les nuages, projetant une bande lumineuse sur les vertes parois. Au bord du lac, le rouge boisé intense des cabanes de pêcheurs ajoute un jeu de couleurs supplémentaires à une palette d’une incroyable richesse. Qu’est-ce qu’il fait bon vivre en ces terres bénies par les divinités nordiques.

Stokmarknes – Ørsvågvær : 60km

Les ondées nocturnes laissent place à un ciel clair et un temps frais en cette douce matinée. J’ai une quinzaine de kilomètres à parcourir pour embarquer sur le Sigrid, ferry qui me conduira de Melbu (sud des Vesterålen) à Fiskebøl (nord-est des Lofoten). Le départ est prévu peu avant midi, ce qui me laisse tout le loisir de profiter tranquillement des derniers paysages de l’archipel.

J’atteins le port de Melbu vers 11h30, m’apercevant quelques instants plus tard qu’en réalité l’embarquement ne se fera pas avant 12h30. Petite erreur de ma part, l’horaire que j’avais noté étant celui de la vacation au départ de Fiskebøl. Il ne reste plus qu’à patienter un peu plus longtemps. Une quinzaine de voitures et poids-lourds sont garés sur les files d’embarquement. Je pensais que la liaison ne concernait que quelques véhicules et piétons, il s’avère que ce bref passage entre les deux archipels est régulièrement emprunté, tant par les touristes que par les autochtones.

Le Sigrid n’a besoin que d’une courte demi-heure pour traverser le Raftsund, détroit séparant les deux ports. Mais ca n’empêche pas les passagers de se ruer sur le snack, tandis qu’une appétissante odeur de saucisse grillée envahit chaque recoin du salon. Résistant à la tentation, je gagne le pont supérieur afin de profiter des paysages offerts par la traversée. Au fil des milles nautiques, je vois ainsi se rapprocher le port de Fiskebøl niché au pied des vertes montagnes de l’île d’Austvågøya, tandis que s’éloignent les paysages escarpés des Vesterålen dont les sommets n’apparaissent plus que sous l’aspect de sombres silhouettes.

Débarqué en tout début d’après-midi, après que tous les véhicules motorisés ont quitté le navire, je foule enfin le sol de ces Lofoten dont on me parle en des termes ô combien élogieux depuis le début du périple. Cet archipel se compose principalement de 5 îles, qui sont, du nord et sud : Austvågøya (où je me trouve), Gimsøya, Vestvågøya, Flakstadøya et Moskenesøya, toutes traversées par la E10, axe majeur où transitent la plupart des véhicules parcourant ses 160km. Heureusement, il existe également des routes secondaires permettant de s’éloigner d’une circulation un peu trop dense en cette période estivale, et de visiter certains villages isolés.

Mais pour l’heure, pas le choix, je dois rouler sur la E10 pour une quarantaine de kilomètres en direction de Svolvær, capitale touristique de l’île. D’entrée, je fais connaissance avec le fameux tunnel norvégien. Lumière arrière allumée, je m’engage sur une percée de 200m sous la montagne, passant ainsi d’un versant à l’autre. Mais même sur cette courte distance, je ne suis pas plus rassuré que ca, la route est étroite, le bruit des véhicules assourdissant, la luminosité considérablement atténuée, pas l’idéal à vélo. Bien content de ne pas avoir emprunté le Nordkapptunnelen, tunnel de 7km plongeant à 200m sous le niveau de la mer entre le continent et l’île de Magerøya…

La route est superbe, ruban d’asphalte se déroulant au cœur de vallées encaissées cernées par de hauts sommets et d’immenses cirques d’où s’écoulent de magnifiques cascades. Rivières et lacs de montagne complètent ce tableau de maître, dans un jeu de couleurs variant du turquoise à l’émeraude.  Seuls de ravissants ports de pêche me rappellent que je suis toujours au niveau de la mer, alors que tout autour de moi me fait croire le contraire. Par contre, j’accuse le coup des deux étapes précédentes, et la beauté sauvage de l’Austvågøya ne suffit pas à me faire oublier la lourdeur ressentie dans les jambes. J’ai vraiment du mal à avancer aujourd’hui.

J’atteins Svolvær en milieu d’après-midi. Du haut de ses 4000 âmes, cette petite bourgade parait immense comparé aux hameaux peuplant l’île, et au delà de ses activités de plaisance et de pêche, fait la part belle aux galeries d’art et au tourisme. Il faut dire que les lieux ont des atouts charmes indéniables, comme l’île de Svinøya accessible par un pont offrant l’accès à un petit port de pêche ancré au pied des montagnes. Superbe !!!

Je continue ma route durant quelques kilomètres jusqu’au camping d’Ørsvågvær, traversant le village de Kabelvåg et sa superbe église colorée surnommée « la cathédrale des Lofoten » en raison de sa taille et de sa magnificence. Malheureusement, je ne pourrais pas pénétrer dans ce sanctuaire, la visite étant payante. Pour une fois, j’avais prévu de faire une entorse à mon principe de ne jamais débourser un centime dans un lieu de culte, mais comme un signe du destin, je n’avais pas sur moi les 30kr (un peu plus de 4€) réclamés.

Le camping est sommaire, le sol est dur et recouvert d’une terre sablonneuse me faisant espérer qu’il ne se mette pas à pleuvoir durant la nuit (plier une tente qui a baigné dans la boue n’est pas une expérience des plus agréables). Mais, et c’est bien là le plus important, il est admirablement situé, à l’image de Svolvær, les pieds dans la baie, la tête dans les montagnes, et le tout empreint de cette pittoresque atmosphère halieutique qui m’accompagne depuis que je sillonne le littoral norvégien.

Stø – Stokmarknes : 108km

Pas de pluie au lever du jour, juste une légère bruine au parfum iodé. La tente version pinces à linge a tenu le coup. Même si le vent du nord a été léger, j’avais quand même quelques doutes. Je quitte le camping, son port et ses sommets embrumés vers 9h30, une grosse journée m’attend. A noter que Stø, à l’instar de quelques villes et villages portuaires de l’archipel, organise des « safaris » pour aller observer baleines, globicéphales, cachalots et orques peuplant la mer de Norvège, et sensibiliser les touristes à leur condition précaire. Etrange de la part d’un pays crachant sur le moratoire de 1986 visant à protéger ces magnifiques et si fragiles mammifères marins, et poursuivant ses honteux massacres trop solidement ancrés dans les traditions ancestrales du pays. Et si la cruelle chasse aux phoques est en très net déclin, celle visant les cétacés ne semble malheureusement pas prête de s’arrêter…

Première étape Nyksund. A vol d’oiseau, ce minuscule village de pêcheurs est à seulement 4 kilomètres à l’ouest de Stø, situé lui aussi sur la côte nord de Langøya. Sauf qu’il n’existe pas de route directe reliant ces deux lieux, exception faite du Donningruta, long sentier pédestre. Je suis donc obligé de repartir au sud, à Myre, puis de remonter par une autre route. Bilan, 25 kilomètres. Par chance, la bruine s’estompe au bout de quelques dizaines de minutes, laissant place à un soleil radieux. Je peux ainsi découvrir sous un jour plus lumineux les sommets et collines, les bras de mer et les prairies, entrevus hier. Les paysages sont superbes, et lancent de constants appels du pied pour poser sur mes photos. Myre atteint, je me dirige vers Nyksund, et là aussi c’est pour le moins spectaculaire. La route devient piste, le bitume devient terre sablonneuse, boueuse avec les pluies récentes. Je longe le bas des falaises, avec la mer juste en contrebas, slalomant entre les flaques et les bourbiers. Vue imprenable sur la petite île voisine de Skogsøya, et sur son relief accidenté. Ici, les rennes sont plus laineux, plus petits, plus blancs et font « Bèèèèè ». Il y en a partout, sur la route, couchés à l’ombre d’une glissière de sécurité ou d’un pan rocheux, paissant sur les collines. J’en ai même un qui descendra comme un fou furieux de son promontoire herbeux et me galopera après en bêlant comme un dingue !!!

Arrivé à Nyksund, le ton est donné par un panneau pour le moins surprenant, mettant en scène deux élans, disons, amoureux. Le village est insulaire, accessible par un pont de pierre, et abrite des maisons au charme certain. Très colorées, sur pilotis, elles jalonnent le chenal traversant le village. Ici, l’été, seuls 20 habitants résident…et 6 l’hiver !!! Ce fut autrefois un port important du Nordland notamment pour la pêche à la morue, mais ne pouvant accueillir les grands chalutiers et crevettiers, et isolé du reste de l’archipel et du continent, le port périclita et sombra à un tel point que les années 70 marquèrent Nyksund sous le sceau d’un village fantôme. Heureusement, il y a une dizaine d’années, de nouveaux habitants s’y installèrent, tombés sous le charme de ce port, et lui redonnant vie. La pêche y est toujours présente, mais c’est aussi en développant le tourisme que ce village retrouve ses lettres de noblesse.

Je quitte Nyksund par la route défoncée jusqu’à Myre, puis refait en sens inverse la trentaine de kilomètres parcourue hier au cœur des hautes terres de Langøya. Les montagnes sont à nouveau sous la brume, leur conférant une aura mystique. Mais le temps se couvre, et alors que j’atteins Sortland, d’épais et lourds nuages envahissent le ciel. Deux solutions, soit je me pose au camping tout proche, que je sais très cher, mais en étant certain d’être au sec. Soit, je poursuis l’étape prévue jusqu’à Stokmarknes, à une trentaine de kilomètres, en tentant un pari sur le temps. Allez, soyons joueurs. Je continue ma route, rassuré au bout de quelques kilomètres en voyant le ciel de l’ouest se dégager. L’étape fera plus de cent kilomètres, mais je sens que j’ai les jambes pour la mener à bien sans trop de difficultés. Une longue et isolée piste cyclable permet de rouler à l’abri de la route étroite et roulante. A ma gauche, de sombres et haut sommets enneigés jaillissent de l’autre côté de la mer, et si mon regard se porte un peu plus loin, les parois se teintent d’une lumière bleutée sous les rayons d’un soleil faisant quelques timides apparitions. A ma droite par contre, point de versants escarpés, mais de douces collines boisées. Les Vesterålen ont ceci de fascinant qu’elles font cohabiter ces deux types de reliefs de part et d’autre d’un fjord, d’une baie ou d’un bras de mer. Vraiment magnifique.

Stokmarknes se présente de l’autre côté du fjord alors que je viens de franchir le centième kilomètre. Mais pour traverser la mer et atteindre l’île de Hadseløya, je dois affronter un immense et haut pont à la forme surprenante : le Hadselbrua. La montée fait penser à une rampe de montagne russe tant elle est pentue. La descente est inclinée, penchant vers la droite, tel, là aussi, un rail de grand 8. Roulant sur le trottoir haut d’une quinzaine de centimètres, à peine aussi large que mon vélo, et bloqué à ma droite par une barrière métallique, j’essaie tant bien que mal de grimper cette pente vraiment terrible. Quand, tout à coup, juste sur la route, collé au trottoir, surgit un homme en VTT, grimpant sans forcer, et entamant la discussion. D’où je viens, où je vais, est-ce que mes bagages sont lourds, combien j’ai fait de kilomètres, en combien de temps. Le genre de questions auxquelles je réponds volontiers à l’arrêt, ou sur une portion plane et tranquille, mais là j’ai le souffle tellement court qu’il m’est vraiment difficile de parler, surtout que je dois me concentrer pour rester bien au milieu du trottoir. Si la montée fut lente, la descente sera rapide…et flippante. J’ai l’impression d’être au Grand Prix de Monaco, où les F1 roulent à 200 à quelques centimètres des rails. Ici, à 25 ou 30km/h, avec le guidon frôlant la barrière, je me fais de belles frayeurs, surtout que des petits trous pas toujours évitables apparaissent au tout dernier moment.

Enfin, je suis à Stokmarknes. Le camping est hors du centre-ville, accessible par une petite grimpette de 2km (le genre qui fait un peu mal après une longue étape). Au milieu de la forêt, à l’ombre d’une haute falaise, le site est parfait. Il est même plus que parfait, puisque la réception est fermée. Encore un camping où je pourrai dormir sans ouvrir le porte-monnaie…Dans ce pays où la vie est si scandaleusement chère, ca ne me pose vraiment aucun problème de conscience.

Demain, je quitte les Vesterålen pour découvrir l’archipel voisin des Lofoten. Depuis le temps qu’on m’en parle, en vantant ses paysages et en en faisant une succursale du Paradis (ou du Walhalla plutôt, restons dans la culture locale), j’espère ne pas être déçu.

Buksnesfjord – Stø : 94km

Temps couvert, les montagnes sont recouvertes de nuages brumeux, seuls les plus hauts sommets et leurs crêtes saillantes parviennent à déchirer ces voiles opaques. L’archipel des Vesterålen compte tellement d’îles, d’îlots, de presqu’îles qu’il est parfois difficile de dire précisément si je suis sur une des îles principales ou non. Après Andøya, je vais sillonner une quarantaine de kilomètres de Hinnøya, avant de gagner Langøya et sa pointe nord. La route est tranquille, très peu de circulation, et malgré le temps tristounet, les paysages restent superbes. Barres rocheuses, collines et prairies verdoyantes, bras de mer et vallées encaissées s’offrent à mon regard. Heureusement pour mes mollets, la route fait le tour des montagnes en restant le long de la mer, je n’ai ainsi pas à franchir de cols, me contentant d’une succession de grimpettes généralement courtes et faciles, de zones planes et de petites descentes. Ralliant l’île de Langøya par le Sortlandbrua, pont routier de près d’un kilomètre, j’atteins Sortland, la « capitale » de l’archipel, croisant au passage un ferry de l’Hurtigruten en approche du port. Ville très animée, les restaurants font le plein en cette heure de déjeuner, et le centre est bondé. J’en profite pour acheter une cartouche de gaz dans un Intersport, celle dont je me sers actuellement n’ayant plus que 2-3 jours à vivre.

Il me reste cinquante kilomètres jusqu’au bord de l’île, et de suite, je me rends compte que la route est un peu plus vallonnée. Elle s’élève plus haut, traversant les terres d’est en ouest, avec une pente de plusieurs kilomètres et au pourcentage bien plus élevé qu’à l’accoutumée (à vue de nez dans les 8-9%). Mais même si je dois forcer un peu plus, je ne peux pas dire que ce soit difficile. Mais il faut dire que depuis les épreuves du Finnmark et du Cap Nord, je relativise un peu plus la notion de difficulté. Je découvre avec joie de petits lacs nichés dans les collines, parfois accompagnés de jolies chalets en bois peint. Les sombres barres rocheuses enveloppées de nuages ne sont jamais bien loin et ajoutent une touche de mystère et un côté sauvage fort appréciables.

Revenu au niveau de la mer, à Myre, à une dizaine de kilomètres du nord de l’île, le temps se gâte et je ne tarde pas à faire connaissance avec mes premières averses made in Vesterålen. Et c’est du costaud !!! La route parfois non bitumée devient rapidement une succession de flaques boueuses et gravillonneuses, et je dois faire attention à ne pas planter la roue dans un trou d’eau. Autour de moi, ca sent la marée, les algues. Des oiseaux de mer crient et volent un peu partout, se posant au sol pour fouiller la vase à la recherche d’un petit en-cas.

J’arrive au camping trempé, malgré le poncho que j’ai enfilé un peu trop tard. Il est situé vraiment tout au bout de l’île, les pieds dans les eaux d’un minuscule port de pêche. Une digue assortie d’un sémaphore permet d’assurer la protection des bateaux et de guider leur sortie, de nombreux récifs et écueils pointant le bout de leur nez dans les environs. Une éclaircie me permet de monter la tente au sec, bien que sur une pelouse évidemment détrempée. Et là, la fermeture éclair de la toile extérieure qui faisait des siennes depuis quelques jours déjà me lâche. Pas grave, je la fermerai avec des pinces à linge épinglées tout du long.

Après Andenes au nord d’Andøya, me voici donc à Stø au nord de Langøya. A croire que je recherche toujours cette sensation de bout du monde ressentie avec tant de force il y a encore quelques jours. Oui, j’en conviens, le Cap Nord me manque, mais cela ne m’empêche heureusement pas d’apprécier ces spectaculaires et sauvages Vesteralen et de savourer ces délicieux moments.

A la nuit tombante, vers 23h, petite balade digestive sur la jetée. La pluie a cessé et il fait même bon. D’épaisses brumes vespérales occultent le haut et menaçant sommet dominant le port, tandis qu’une lumière rouge orangée baigne le ciel à l’ouest. Un bien beau spectacle pour clore cette journée.

Andenes – Buksnesfjord : 69km

Réveil en pleine nuit. Des goélands hystériques palabrent et se volent dans les plumes juste à côté de la tente, certaines cognant même la toile. Etant encore un peu dans les vapes, je n’y prête guère attention, me contentant d’en sourire et de replonger dans un doux sommeil. Mais au petit matin, surprise !!! La poche petit-déjeuner fermée et laissée sous l’abside n’est plus là…je ne retrouverai que le sac plastique éventré dans un buisson à une quinzaine de mètres de la tente, et évidemment plus rien à l’intérieur. Cela dit, les goélands ont des goûts pour le moins originaux puisque la poche ne contenait que des sachets de thé dans une boite en plastique, du pain de mie et un bocal presque vide de pseudo nutella. Du coup, je lève le camp sans déjeuner, mais heureusement Andenes et son supermarché sont tout proches, et je peux donc refaire les provisions du matin. La ville est assez banale, sans charme particulier. Un port, des maisons toutes identiques collées les unes aux autres, façon pavillon de banlieue, et rien d’autre.

Après être monté hier au nord de l’île d’Andøya par sa côte ouest, je m’apprête à redescendre par son littoral est. Et cette quarantaine de kilomètres ne sera pas inoubliable. Souvent trop loin de l’Andfjorden, fjord me séparant de l’immense île voisine de Hinnøya. Et également trop loin des hautes collines et montagnes. Sous un ciel voilé et bas, je circule sur une route un peu plus fréquentée que la veille, en rase campagne et en ligne droite, longeant champs et prés, ou parfois marais. Seul point d’intérêt, cette ravissante petite église octogonale en bois à Skottberget, au bord de la mer. A l’origine, l’église, d’une forme plus conventionnelle, était située un peu plus au nord à Dverberg, mais en 1735, elle fut en partie détruite par la foudre, ce qui ne l’empêcha pas d’accueillir des offices religieux pendant encore un siècle. Et c’est en 1843 que la décision fut prise d’en construire une autre, en privilégiant le choix de la forme octogonale afin de rapprocher les fidèles de l’autel et du vicaire.

De retour à Risøyhamn au sud-est de l’île, je retrouve le port où j’ai débarqué hier matin. A proximité, un grand pont permet de rejoindre l’île de Hinnøya. Le camping est  dizaine de kilomètres plus au sud, et je retrouve une route bien plus agréable, sertie entre collines verdoyantes et les eaux du Risøysundet, étroit canal maritime séparant la partie sud de Andøya de la partie nord de Hinnøya. Le temps couvert et les nuages bas ne permettent hélas pas de profiter pleinement de toutes les splendeurs offertes par ces paysages, mais ce que je vois là reste tout de même un bel aperçu de ce que pourrait être l’étape de demain par beau temps. La côte est déchiquetée, et la route se faufile, virage après virage, au bas de ces improbables reliefs.

Le camping est niché sur les hauteurs d’un fjord formé par le Risøysundet. J’ai juste le temps d’arriver et de préparer la tente avant que la pluie ne s’abatte sur Hinnøya. Pour une fois, je serai arrivé à temps.

Risøyhamn – Andenes : 58km

Voila, il est presque 11h, et je suis fraichement débarqué au sein de l’archipel des Vesterålen. Après avoir sillonné le Finnmark depuis mon arrivée en Norvège, me voici à présent dans le Nordland, comté plus au sud (bien que toujours au delà du Cercle polaire) et dont les atouts majeurs sont ses deux archipels : les Vesterålen et les Lofoten.

Les Vesterålen se composent d’une centaine d’îles, dont quatre principales : Andøya (où je me trouve), Langøya, Hinnøya (la plus grande île de Norvège, si on fait exception du Svalbard) et Hadseløya. L’île d’Andøya, la plus au nord, m’occupera jusqu’à demain. Deux possibilités : soit je monte vers Andenes, ville au nord de l’ile, par la côte ouest, réputée comme étant une des plus belles de l’archipel. Soit, je roule sur la côte est, et ses paysages bien moins intéressants. Le ciel bleu, le soleil ardent me facilitent le choix, ca sera donc la côte occidentale. Mais qui dit chaleur et Scandinavie dit…retour des insectes. Je m’étais habitué à leur absence dans les contrées nordiques du pays, mais ils se rappellent très rapidement à mon « bon » souvenir. Oh, ce ne sont pas ces superbes papillons aux ailes pourpres et noires butinant boutons d’or et fleurs des champs qui me dérangent, bien au contraire. Mais ces mouches et moustiques accompagnant mes tours de roues, et me harcelant au moindre arrêt. Cela dit, ca reste quand même bien moins dérangeant que ce que j’ai pu subir sur les routes finlandaise. Les paysages sont fantastiques. La route serpente au pied de falaises, de collines ondoyantes et d’impressionnantes parois abruptes, offrant des paysages de moyenne, voire de haute montagne, alors que je ne suis qu’au niveau d’un océan atlantique dont les vaguelettes viennent lécher de superbes plages de sable blanc ou des grèves caillouteuses recouvertes d’algues. Le parfum iodé de la marée est un délice, et offre un contraste saisissant avec les sommets aux arêtes déchiquetées dominant la côte. Les oiseaux de mer abondent, et se font entendre. Les mouettes, en particulier, n’arrêtent pas de jacasser, que ce soit en volant ou en étant paisiblement installées sur un rocher à fleur d’eau.

Le soleil est radieux, se reflétant dans les eaux turquoises arrosant de petites criques…comparé au climat rigoureux et pour le moins inamical du Finnmark, j’ai l’impression de rouler au cœur d’un lagon tropical. Pas besoin de polaire, de gants, de bonnet…je regrette même de ne pas avoir mis le short et chaussé les sandales…et pourtant il ne fait guère plus de 12 ou 13°.

Peu avant d’arriver au camping, je passe devant un bâtiment orné de radars, d’antennes, de paraboles et de capteurs en tous genres. Une station météo ? Non, juste une ancienne base aérienne de l’OTAN et accessoirement une base de lancements de missiles. L’art et la manière de gâcher un lieu idyllique par des considérations militaires et belliqueuses du plus mauvais effet…Je comprends mieux les quelques sites vus au bord de la route et marqués par une interdiction d’entrer…et de prendre des photos.

J’atteins le camping à 2km au sud d’Andenes en milieu d’après-midi. Situé tout au bord d’une plage de sable blanc, il offre un cadre d’exception et, comme cela va souvent de paire, je m’attends à trouver des tarifs dans la moyenne haute. Mais par chance, personne à la réception, il est simplement demandé aux campeurs de s’installer puis de venir s’enregistrer vers 19h quand ca sera ouvert. Autant dire que cette nuit, je dormirai à l’œil.

Skarsvag – Risøyhamn : 24km (mais surtout 29h de ferry)

Nuit vraiment courte. Couché vers minuit, je me lève trois heures plus tard pour une petite étape d’une vingtaine de kilomètres jusqu’au port de Honningsvåg, celui là même où j’avais débarqué quelques jours auparavant. Là, un ferry de Hurtigruten appareillera à 6h en direction de Risøyhamn, port situé dans l’archipel des Vesteralen à environ 500km à vol d’oiseau au sud-ouest.

Le camping est endormi lorsque je quitte les lieux, tournant le dos à ce Cap Nord qui m’aura tant fait rêver. Comme un signe, le temps est clair, et même à 4 heurs du matin, le soleil de minuit me permet de rouler avec une visibilité bien supérieure à celle qui m’a accompagné durant ces trois jours passés ici. Nul besoin d’éclairage, j’y vois comme en plein jour. Il s’agit d’ailleurs là d’une expérience vraiment particulière, presque troublante pour un esprit habitué à ce que ces heures nocturnes soient synonymes d’obscurité. Ca fait pourtant 45 nuits que je « subis » les brefs, voire inexistants, sommeils du soleil, mais je suis toujours émerveillé par ce phénomène propre à ces latitudes extrêmes.

Au fil des kilomètres, je suis envahi par une avalanche de sentiments mêlant nostalgie, mélancolie mais aussi fierté et une inextricable envie de revenir. Ce n’est qu’un au revoir, pas un adieu, il ne peut en être autrement. Au revoir fjords du Finnmark. Au revoir île de Magerøya. Au revoir soleil de minuit. Au revoir les rennes. Au revoir steppes sans fin balayées par le vent boréal. Au revoir froides journées et pluies arctiques. Et bien entendu, au revoir Cap Nord, le vrai comme le touristique. Vous tous m’aurez marqué au fer rouge, gravant une empreinte indélébile dans mes pensées et mon esprit. Ayant lu sur un récit de cyclo qu’on ne revient jamais indemne de cette région mythique, je ne prenais alors pas la mesure de ces mots. Mais aujourd’hui, alors que les tours de roues me rapprochent d’un inéluctable départ, j’en saisis parfaitement le sens. Pédaler dans ces contrées vous marque à jamais, physiquement comme moralement.

J’atteins le port de Honningsvåg vers 5h30, alors que de petits bateaux de pêche rentrent au port après une nuit passée en mer. Le ferry arrive quelques instants plus tard. Plus grand que le Polarlys pris à Mehamn, le Finnmarken est également plus récent, et possède à travers ses 8 ponts, une salle de fitness, un sauna, une piscine chauffée, des jacuzzis, un piano-bar et bien sûr cafétérias et salle de restaurant. La déco est différente de l’autre navire, plus art moderne, et même si ma préférence va vers les boiseries du Polarlys, le cadre est agréable et cosy.

Le voyage passe bien plus rapidement que ce que je redoutais. Je suis confortablement installé sur un fauteuil devant une petite table ronde et avec vue sur les fjords et la côte norvégienne. Il n’y a pas trop de monde, et les salons ne sont guère bruyants, permettant de s’assoupir quelques instants sans trop de difficulté. La journée est ponctuée d’escales à la durée variable et dépendant de l’importance du port. Parfois quelques minutes, parfois 1h30, je peux ainsi aller visiter Hammerfest peu avant midi, et Tromsø à minuit. Autant j’ai été très déçu de Tromsø, surnommée le « Paris du Nord », et troisième plus grande ville du pays (mais à sa décharge, je n’étais pas sur la rive la plus intéressante), autant j’ai beaucoup apprécié le charme de Hammerfest, petite ville reconstruite après avoir été rasée par Allemands lors de la guerre 39-45 (seule une chapelle aura échappé au désastre) et vivant du tourisme maritime, des gisements de gaz au large de la mer de Barents, et  de l’activité prospère de l’entreprise Findus. Sa surprenante église et son port ont un charme certain, et pour le coup, je serais bien resté un peu plus longtemps que les 45 minutes accordées par le ferry.

De retour de Tromsø, je gagne le huitième pont et son immense salon panoramique, le seul équipé de canapés, je peux enfin m’allonger et récupérer les heures de sommeil me faisant défaut. Une huitaine de personnes, n’ayant pas non plus craqué leur porte-monnaie pour une cabine, feront de même. Il reste encore quelques heures avant de débarquer à Risøyhamn, et de découvrir l’archipel des Vesteralen pour une nouvelle aventure, un nouveau voyage.

Knivskjellodden : 19km à vélo et 18km à pied

Il semble qu’aujourd’hui pourrait bien être le bon jour pour aller randonner jusqu’au vrai Cap Nord. L’air est certes humide, mais le brouillard est retombé et il ne pleut pas. Partant avec juste le sac à dos, une bouteille d’eau et un paquet de biscuits, je parcours les 9km séparant le camping de SKarsvag du parking marquant l’entrée de la balade vers le Knivskjelloden, avec au passage la joie de devoir me coltiner la grosse grimpette à 12% qui m’avait fait tant de mal il y a 2 jours.  Et même avec le vélo non chargé, c’est loin d’être une sinécure.

Le parking se situe au beau milieu de la toundra. Quelques voitures et camping-cars y sont déjà garés, il semblerait que pas mal de randonneurs aient eu la même idée que moi. Le temps reste tout de même incertain, et je ne suis pas convaincu que la balade se terminera au sec, mais bon on verra bien. Le sentier est balisé par des cairns plus ou moins grands, allant de quelques dizaines de centimètres à plusieurs mètres. Autour, tout n’est que steppes caillouteuses et prairies d’herbe rase. Les pluies récentes ont transformé certaines parties en véritable bourbier, et avec mes seuls tennis, je suis contraint à trouver les meilleurs chemins possibles pour éviter de me retrouver avec de la boue jusqu’aux chevilles. Parfois, des planches permettent de passer quelques zones marécageuses, mais là aussi, il faut faire attention car elles se révèlent particulièrement piégeuses à l’image de cette planche sans attache et ne faisant que flotter sur 15cm d’eau…et une fois le pied posé dessus, ben ca fait plouf suivi d’une insulte que la décence m’interdira de mentionner ici. Et vu les bas de pantalons des quelques personnes que je rencontre, je ne suis pas le seul à m’être fait avoir. Nous sommes à peu près une vingtaine à parcourir ce sentier de 9km vers le nord de la péninsule, mais au fil des kilomètres, les lignes s’étirent si bien qu’il y a une vraie impression de solitude  et d’isolement renforcée par l’immensité de la toundra.  Chacun se fait son propre chemin, les plateaux caillouteux étant suffisamment vastes pour voir les cairns suivants de très loin. On peut suivre le sentier initial ou bien « se perdre » et arpenter d’autres voies, liberté totale. En plus des prairies rocailleuses, quelques lacs et rivières accompagnent le randonneur, sous le regard de rennes et d’oiseaux occupant les lieux.

A mi chemin, le cap change, de l’est on passe au nord, signe que l’extrémité de la péninsule se rapproche. Mais le vent se lève, et le crachin se met à arroser la toundra, accompagné d’un brouillard s’élevant sur le Cap Nord dont on devine à présent le promontoire rocheux. Pour autant pas question de s’arrêter et de faire demi-tour, j’irai jusqu’au bout, et peut-être aurais-je la chance de voir, ne serait-ce que quelques minutes, les paysages que m’offrira le Knivskjellodden. Le sentier commence enfin à descendre, il est temps vu qu’il est sensé perdre 300m d’altitude. Je m’enfonce au coeur d’une crique battue par le vent. A ma droite, je vois les hautes falaises du Cap Nord. A ma gauche, le prolongement de la péninsule que je dois encore suivre pendant une bonne heure. Et devant, la mer de Norvège baignant une grève de cailloux. A partir de là, c’est encore plus free-style niveau orientation. Les cairns indiquent en gros le  chemin à suivre, la plupart du temps sur de grandes pierres inclinées et glissantes et des sentes boueuses. J’assure chacun de mes pas, surtout qu’avec l’humidité et les frottements, je sens que deux énormes ampoules pointent le bout de leur nez sur mes talons. Les tennis ne sont clairement pas adaptés pour ce type de randonnée, mais peu importe, j’aurai mal pendant quelques jours, mais ce n’est pas ca qui va m’empêcher de profiter de ces derniers instants passés aux confins nordiques de l’Europe.

Et puis, le voila enfin, ce fameux Knivskjellodden !!! Une stèle symbolise ce point situé à la latitude 71°11’07 », soit à peu près 1500m plus au nord que le Cap Nord, tandis que dans une petite caisse en métal se trouve un carnet où on peut noter son nom et la date de sa venue, avec si on le souhaite (tout est bon pour remplir les caisses) un « diplome » à acheter à l’office du tourisme ou dans un camping de la région. Je suis le 829ème à avoir atteint ce point cette année (sachant que le sentier n’est praticable qu’à partir du mois de mai…et encore, ca doit être une sacrée épreuve à cette époque de l’année). Le brouillard commence à se dissiper, et pendant une bonne demi-heure, je peux profiter du point de vue…et franchement, ca vaut le coup d’avoir les chaussures trempées et les pieds endoloris. La crique formée entre les péninsules du Cap Nord et du Knivskjellodden est magnifique. Les falaises sombres et imposantes se révèlent dans toute leurs oppressantes splendeurs. Le coup de crayon est parfait. Certes le soleil est absent, mais la palette de couleurs reste particulièrement riche, variant les nuances de gris et de vert, les parties claires et obscures. Mais je ne peux me laisser aller à cet apaisante contemplation bien longtemps, le vent forcit, le brouillard s’installe à nouveau et cette fois, le crachin qui s’était estompé revient sous la forme d’une pluie fine et froide. Et il reste 9km à faire pour revenir au parking, et tout autant à vélo jusqu’au camping. La journée est loin d’être terminée.

Le retour est long, très long. Amusant d’ailleurs, parce que tous ceux qui m’ont parlé de cette randonnée ont eu le même ressenti…comme si une fois le but atteint, les forces restantes étaient annihilées, les jambes coupées. Et pour ma part, les pieds meurtris, m’envoyant des douleurs aiguës dès que le chemin m’impose de forcer sur les talons. Trois heures plus tard, j’atteins enfin le parking, il reste alors simplement à se laisser guider par la longue descente jusqu’au camping.

Regagnant la tente, je croise le cyclo allemand. Il était au courant que j’allais là bas et me demande comment ca s’est passé, si la vue était dégagée, le terrain pas trop boueux. Oui ca s’est bien passé malgré les deux poches de sang qui se sont formées sur mes talons. Oui la vue s’est dégagée juste quand je suis arrivé au véritable septentrion européen, même si ca n’a pas duré. Et malheureusement, oui le terrain était vraiment boueux…J’en profite pour lui dire au revoir et bonne continuation, devant me lever très tôt cette nuit pour embarquer sur le ferry à Honningsvag, laissant derrière moi cette région qui m’aura marqué à jamais, tant par sa rudesse que par sa richesse.

Mehamn – Skarsvag : 51km (et 5h de ferry)

Ca y est, le grand jour est arrivé, le moment tant attendu où je poserai mes pieds, et le vélo ses roues sur le sol du Nordkapp, point septentrional européen, plus proche du Pôle Nord que d’Oslo, capitale norvégienne. Enfin, si on veut être exact, le Cap Nord n’est pas le détenteur de la latitude la plus haute, ce titre revenant, certes de peu, au – attention, prenez votre élan pour essayer de le prononcer – Knivskjellodden (« Promontoire du couteau »), péninsule voisine et accessible via une randonnée pédestre de 18km aller-retour. Je n’avais d’ailleurs prévu de faire que ce « vrai » Cap Nord, l’autre ayant une réputation de piège à touristes, mais sur les conseils de cyclos suisses rencontrés sur les routes finlandaises, j’ai changé mes plans, et je ne le regretterai pas.

Mais pour l’heure, il me faut déjà rallier l’île de Magerøya, à l’ouest de la péninsule du Nordkyn où je suis actuellement, et pour ca, rien de mieux qu’un petit tour sur un des ferries de l’Hurtigruten, compagnie permettant de parcourir le littoral norvégien de port à port (34 escales en 6 jours entre Kirkenes au nord-est et Bergen au sud-ouest). L’embarquement sur le Polarlys (« lumière polaire ») a lieu sur les quais du port de Mehamn à 1h du matin, par un temps frais et sous un soleil voilé, avec en prévision 5 heures de trajet jusqu’à Honningsvåg, au sud de l’ile. Autant dire que la nuit sera courte…et la journée longue !!! Le vélo solidement attaché en soute, je découvre le bâtiment de 123m de long et ses 7 ponts. Certains sont réservés pour les passagers voyageant en cabine, mais la plupart offrent des salons avec fauteuils et tables près des hublots, avec cafeterias, bars, restaurants, mais aussi bibliothèque, salle de jeux pour les enfants, solarium…L’intérieur est chaud, par la température qui y règne, mais aussi par la décoration faite de boiseries en acajou. Très agréable et confortable.

Partageant mon temps entre légers moments d’assoupissement et photos de fjords défilant lentement à travers les hublots, je ne vois pas les heures passer, et peu avant 6h, débarque à Honningsvåg, sous un crachin et un froid mordants. La cité portuaire est morte en cette heure matinale et sous cette chape nuageuse, mais je ne suis pas certain que même sous un beau soleil d’après-midi, elle en soit plus agréable. Je ne lui trouve pas le charme entrevu à Mehamn ou Skjånes, mais il est vrai qu’il s’agit d’une ville plus importante qui, en dehors du tourisme, voit son activité se baser sur la congélation de poissons et l’armement de navires, franchement rien de très glamour.

Bon, faisons le point. Il pleut, il fait froid, le vent d’ouest s’est levé, la brume s’installe peu à peu, et j’ai une trentaine de kilomètres à faire vers le nord-ouest. Ajoutons à ca une route donnée par tous les cyclos rencontrés comme étant difficile par ses longues montées de 9 à 12% sur un tiers du parcours, et on a une étape bien casse pattes en perspective, surtout avec moins de deux heures de dodo et des jambes déjà lourdes. Mais peu m’importe, je me sens pousser des ailes tant la motivation est présente. Le Cap Nord, après qui je cours depuis quarante jours, n’est qu’à trois petites heures d’efforts…Ca sera dur, ca sera intense, ca sera humide, mais la récompense est au bout, et je tiens à profiter de chaque hectomètre parcouru, à le savourer pleinement, tant pis pour la pluie qui s’abat de plus belle, tant pis pour le vent qui gagne en puissance, tel est le prix à payer pour s’aventurer dans ce lieu mythique. Et à la rigueur, je préfère que ce soit comme ca, le Cap Nord se mérite, j’aurais été un peu déçu de l’atteindre trop facilement, sans les contraintes climatiques liées à sa situation géographique.

D’entrée, le ton est donné, la route est battue par le vent, serpentant au pied de hautes falaises surplombant de sombres lacs. Puis viennent les premières montées, régulières, pas trop cassantes, jusqu’à ce panneau indiquant 3km à 9% de moyenne. La route s’élève, sinueuse. Plus rien ne fait obstacle à ce souffle froid venant de l’ouest, accompagné d’une pluie horizontale. Un trio de cyclos polonais, compagnons d’infortune, souffre avec moi, faisant de multiples pauses sur le bas côté, cherchant parfois un abri provisoire pour se reposer quelques minutes avant de repartir. Mais pour ma part, pas question de poser pied à terre, si ce n’est pour prendre des photos, je me l’interdis, même si je craquerai plus tard, lors d’une portion bien plus rude…5km de lacets montant à flanc de falaise, exposés plein ouest, et ne laissant aucun répit. Devant moi, à quelques centaines de mètres, un autre cyclo me sert de lièvre, mais l’ascension n’en est pas plus facile. Depuis le départ, les panneaux kilométriques Nordkapp défilent tous les 10 kilomètres, balises salvatrices sur ce chemin de croix. Malgré le bonnet, la polaire, le kway, le poncho, et l’effort, j’ai froid, mon pantalon est trempé, mes chaussures aussi, les pieds gelés, mais le cap approche…mieux encore, je vois le sommet de son musée, là bas au loin !!! Les forces me reviennent, j’oublie le manque de sommeil, le corps fatigué, je prends une bonne inspiration et appuie sur les pédales pour me relancer, bénéficiant de ce fameux second souffle. La route a atteint son altitude maximale, à 300m, et la dernière partie se fait au milieu de steppes de rocailles et de marais, par un vent latéral toujours aussi intense, et une pluie toujours aussi cinglante. Je passe devant le petit parking servant d’entrée vers le Knivskjellodden, que je ferai probablement demain si le temps le permet. Plus que 6km !!! Je croise des rennes en semi-liberté (hardes appartenant aux Samis) venus par bateaux et camions au printemps, et restant sur ces terres riches en lichen jusqu’à la fin de l’été. Encore 5km, puis 4, 3, 2 , 1. Je vois le parking, le péage, le toit du complexe enterré et abritant musée et café. Ca y est, me voila enfin à destination. Latitude Nord 71°10’21 » (Paris est à 48°, le Cercle Polaire à 66°, le Pôle Nord à 90°). Seul le nord du Groenland, les terres glacées canadiennes et sibériennes, et certains archipels arctiques (comme le Skalvbard) sont plus proches du pôle, mais heureusement ici, l’apport d’un Gulf Stream, réchauffe (parait-il) la région, rendant cet endroit « vivable » . Ouf !!! Reste juste à passer le péage, immonde piège à touristes, mais sur les conseils des cyclos suisses, j’emprunte la voie des bus, la tête dans le guidon, le plus rapidement possible…35€ économisés, ou bien 18€. Les versions diffèrent, certains prétendent que c’est gratuit pour les vélos, d’autres que c’est le cas seulement à certaines heures, et pour d’autres encore, ils ont dû passer à la caisse, certains avec des remises, d’autres non. Une chose est sûre, la méthode a fonctionné et je me retrouve sur place sans bourse délier, quelques minutes après le cyclo que je suivais. Premiers regards, premiers sourires, poignée de main et un « Congratulations » mutuel, empreint d’un respect non feint pour ce que nous avons accompli afin de venir ici. James vient de Liverpool, et a traversé l’Allemagne, le Danemark et la Suède, 4000km en solitaire, 1200 de plus que moi. Beau voyage !!! Nous sympathisons rapidement, et nous photographions avec nos montures (elles le méritent vu ce qu’on leur en aura fait voir !!!) sur le passage obligé du Cap Nord : le globe symbolisant l’union de tous les peuples. Nous ferons également connaissance avec une famille de néerlandais venus en voiture, avant qu’une demi-heure plus tard, le trio de cyclos polonais nous rejoigne à leur tour. Plus tard, des Suisses, des Russes et, des Italiens arriveront eux aussi à vélo, mais la majeure partie des touristes débarque plutôt en camping-car, voiture, moto ou autocar. Ici se rencontrent des gens venus de tous horizons, de toutes cultures, de toutes confessions. Dès qu’une personne arrive devant ce globe, elle tend son appareil à un parfait inconnu pour se faire photographier, avant que ce ne soit l’inverse, échange de bons procédés. Ici, le contact est facile, la barrière de la langue aisément surmontée par les sourires et le plaisir d’être là, de partager cette expérience au bout du monde.

Le ciel est bouché, et le temps toujours aussi glacial, mais le panorama permet tout de même de profiter de la vue du haut de cet apic de 300m au pied duquel se rencontrent les eaux arctiques de la mer de Barents (est) et celles atlantiques de la mer de Norvège (ouest). Un grand bâtiment enterré (4 étages en sous-sol) abrite un café où il est de coutume de fêter l’arrivée par une coupe de champagne, mais bon rien que le café à 5€, je vous laisse imaginer le prix du demi-litre de Champomy…Mais d’autres salles sont plus intéressantes, notamment un petit cinéma en 3D présentant un court-métrage sur le Finnmark et le Cap Nord, musique et images sublimes. Il y a aussi une minuscule chapelle œcuménique, et plus surprenant un musée thaïlandais, hommage au roi Shulalongkorn venu ici en 1907. Le Cap est d’ailleurs devenu un haut lieu de pèlerinage pour le peuple thaï. Quelques tableaux expliquent également l’histoire du Cap Nord, notamment le fait qu’avant que 1956, seule la montée de la falaise en étant encordé permettait de l’atteindre !!! Heureusement que depuis, la route a été construite. On y apprend également que ce site a été découvert en 1553 par le navigateur anglais Richard Chancellor lors d’une expédition visant à ouvrir par le nord-est une route vers le Nouveau Monde. S’en sont suivies d’autres expéditions, puis l’implantation d’une activité touristique à partir de 1845. A l’extérieur du bâtiment, sur le promontoire de la falaise, deux autres monuments réclament une attention particulière : l’Oscarstotten, stèle érigée par le roi Oscar II en 1873 pour marquer la frontière de l’union entre les royaumes de Suède et de Norvège. Et le monument « Les enfants de la Terre » réalisé en 1989 à partir de croquis dessinés par sept enfants aux quatre coins du monde pour symboliser l’amitié et la coopération entre les peuples. La Laponie a payé un très lourd tribut lors de la guerre 39-45, que ce soit par les évacuations forcées ou la politique de la terre brûlée, le symbolisme se dégageant de ce monument n’en est que plus fort.

Mon but initial était de camper ici, me faisant traiter de fou par un James me racontant, hilare, que la veille où il était déjà monté ici, il a vu plusieurs campeurs courir après leur tente virevoltant tel une simple feuille au gré d’un vent déferlant dans la toundra. Effectivement, ca a de quoi refroidir, sans compter que non seulement le vent est toujours là, mais il fait un froid vraiment terrible, et l’humidité intense imprégnant ces lieux a transformé les quelques prairies de lichen en petits marécages. Bon, je verrais dans l’après-midi comment ca se présente, si le vent retombe, si la pluie cesse, mais je ne suis guère optimiste.

James repart en fin de matinée, tandis que je m’installe dans le bâtiment, au chaud, profitant de fugaces éclaircies pour pointer le bout du nez dehors et profiter de la vue. Je ferai la rencontre un peu plus tard d’un couple de camping-caristes français, particulièrement enthousiastes et heureux d’être là. Comme je les comprends…Toute la journée, de nouvelles têtes font leur apparition, se rendant tous sans exception en premier lieu vers le globe au bord de la falaise pour immortaliser ce moment, avant de penser à aller s’abriter dans le complexe. Le Cap Nord a ses priorités.

En début d’après-midi, les conditions empirent, un épais brouillard se lève, la pluie redouble, le vent s’intensifie. On n’y voit pas à quinze mètres, le globe disparait peu à peu dans la brume. Du panorama ne subsiste plus qu’un précieux souvenir. Il est temps pour moi de quitter le lieu avant que la route ne devienne trop dangereuse. Croisant des bus et camping-cars montant à leur tour, certainement conscients que les seuls paysages qu’ils pourront admirer seront ceux des cartes postales vendues sur place (pour le coup, le péage dont ils devront s’acquitter sera encore plus scandaleux…). Je me dirige vers Skarsvag, le port de pêche le plus septentrional d’Europe, possédant un camping fort sympathique. J’y resterai au moins 2 jours, peut-être 3, selon les conditions, mais comme d’habitude, je ne paierai que la première nuit, faisant profil bas pour la ou les nuitées suivantes. Technique qui aura fonctionné dans quasiment tous les campings où je suis resté plus d’une journée. Je suis complètement trempé, je pourrai remplir un bol avec l’eau essorée des chaussettes. La douche (chaude celle là) fera un bien fou. Durant la fin de la journée, je ferai la connaissance d’un cyclo allemand parti de chez lui il y a 4 mois, et s’aventurant en Russie. Lui aussi restera ici plusieurs jours, et si nous ne nous voyons qu’occasionnellement, au moment des repas, ou dans la salle commune, ce sera toujours l’occasion d’échanger quelques mots sur nos projets du jour, nos voyages, ce temps qui n’en finit pas de pleuvoir, ce plaisir d’avoir atteint le Cap.

Le lendemain, le temps sera trop pourri pour pouvoir tenter la randonnée vers le Knivskjellodden. Un couple de Français s’y est essayé, mais a fait machine arrière au bout de quelques centaines de mètres, le brouillard dense et la pluie battante rendant dangereuse cette excursion, et également sans intérêt.